Du Rif-Wi-Fi à la BnF

Du Rif-Wi-Fi à la BnF

L’adoption de moratoires sur le Wi-Fi dans les bibliothèques de la ville de Paris et de la Bibliothèque nationale de France, suite à l’action de militants de la FSU, a lancé un débat très polémique sur les enjeux sanitaires liés à cette technologie.

Constats des effets sanitaires et principe de précaution

La décision de la Ville de Paris a été motivée après avoir constaté les effets sanitaires (maux de têtes, vertiges, malaises, douleurs musculaires) décrits par des employés de plusieurs bibliothèques municipales et évoqué la possibilité de recourir à des solutions alternatives par câble. La décision de la BnF s’appuie quant à elle sur les résultats d’études qui révèlent de graves risques en matière de santé publique liés à l’exposition aux champs électromagnétiques.

Dans un communiqué en date du 3 avril 2008, la section FSU-BnF et le SUPAP-FSU ont invité « l’ensemble des responsables politiques, universitaires et culturels, à reconsidérer l’utilisation massive et systématique du WiFi et la généralisation des connexions filaires. Ils réclament également un débat sur la finalité de telles technologies dans les bibliothèques universitaires, de lecture publique et patrimoniales. »

Stigmatisation de l’action syndicale

Le débat a fait place à une polémique, notamment dans le microcosme (en expansion) de la « biblioblogosphère ». La position défendue par les militants FSU a été stigmatisée :

1. c’est « une position rétrograde qui témoigne d’une incompréhension majeure de l’évolution de notre société et de nos usagers comme de leurs pratiques »;

2. c’est une position malhonnête puisqu’elle se focalise sur le WiFi alors que le débat lié aux dangers des rayonnements éléctromagnétiques concerne bien d’autres technologies : fours à micro-ondes, téléphones portables, etc.

3. en posant la question de la légitimité de la place des nouvelles technologies en bibliothèques, l’on voit bien qu’en fait, la motivation réelle de tout cela c’est la volonté de freiner toute avancée des bibliothèques

Le tout présenté sous la forme caricaturale de « ceux qui savent » face aux « obscurantistes » qui manipulent « ceux qui sont terrifiés » par les « peurs mythiques ». Bref, un amalgame global qui tient lieu d’analyse avec un mélange d’ironie et de procès d’intention.

Et l’usager dans tout cela ?

Si cette forme d’expression est désolante, la motivation qui la sous-tend est pourtant fondée sur une préoccupation que nous partageons : l’usager. Car oui, nos usagers sont désormais habitués au Wi-Fi. Pourquoi les bibliothèques devraient-elles refuser ce service au risque de les faire fuir?

Là aussi, il convient reconnaître qu’en matière de connexion à Internet, le nomadisme « sans fils » de nos lecteurs est déjà restreint par l’autonomie de leur batterie d’ordinateur. Nos usagers recherchent systématiquement les places proche d’une prise électrique.

A partir de là, s’il existe un frein important à l’alternative filaire, c’est bien du côté des bibliothécaires « responsables » que ça coince : le coût du recâblage et des installations actives à acheter, même si les risques prévisibles de nuisances matérielles (fermetures pour travaux) sont réels.

Quels risques sanitaires ?

Chacun peut invoquer un rapport d’expert pour défendre ou condamner le Wi-Fi. Mais chacun doit reconnaître que les risques sanitaires sont encore mal connus et qu’il y a débat au sein de la communauté scientifique. Le développement massif des technologies concernées (téléphonie mobile, Wi-Fi, etc.) est récent. Or, la construction de la certitude scientifique prend du temps, surtout lorsque des intérêts économiques aussi colossaux sont en jeu. On peut néanmoins reconnaître que depuis quelques années, les résultats montrant des effets sur nos organismes et sur notre santé des champs électro-magnétiques s´accumulent.

Principe de précaution ?

Dès lors, à quoi sert le principe de précaution s´il n´est pas appliqué ? L´article 1 de la charte de l’environnement précise que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et favorable à la santé ». Mais l’article 5 précise qu’en cas de risque incertain en l’état des connaissances scientifiques, les autorités publiques doivent adopter des « mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».

La notion de mesure proportionnée à la menace fait écho à la notion de « coût économique acceptable » que voulaient introduire le Medef pour protéger les industriels. Une notion que l’on voit aujourd’hui reprise contre l’alternative filaire jugée « trop chère ».

A chacun de prendre ses responsabilités

Au final, les militants de la FSU qui ont saisi le Comité Hygiène et Sécurité de leur établissement sur les dangers potentiels du Wi-Fi en mettant en avant les plaintes de collègues et le principe de précaution n’ont fait qu’assumer pleinement leur responsabilité, au risque (qui lui est, pour le coup, tout à fait vérifié) de subir des attaques le plus souvent anonymes sur le mode de l’ironie et du mépris.

Mais dans les mois et les années à venir, ce sont les directions des établissements alertées par les représentants des personnels qui devront répondre de leurs décisions.

Antoine Meylan (SNASUB-FSU), Convergences spécial Bibliothèques, mai 2008

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